(asher), come and lay the roses on the floor.

come and lay the roses on the floor

I can make you more than what you are

C’est sans doute qu’une connerie. Elle le sait, elle le sent, Ali. Que c’est une bêtise, que ça va lui retomber dessus. Elle ne sait pas comment, parie sur ses propres parents, mais c’est sûr. Que ça va planter. Qu’elle va s’en mordre les doigts. Peut-être regretter. Et en même temps, Alisha, elle s’en fout – elle n’a de comptes à rendre à personne. Elle ne fait que ce qu’elle veut, quand elle veut, sans se préoccuper des conséquences. L’idée lui est apparue, comme ça, soudainement – merveilleuse, géniale, comme une solution à tous ses problèmes ou, du moins, comme le moyen d’être tranquille un moment, tout en faisant chier ses parents. Ouais, franchement, ça lui paraissait être une idée de génie ; et puis si ça pouvait aider quelqu’un, hein ? Alors elle n’a pas hésité, la brune, elle a comme d’habitude, foncé tête baissée sans demander l’avis de qui que ce soit. Il en faut plus pour l’impressionner, de toute façon, il en faut plus pour lui faire peur. Et il n’y a pas raison d’avoir peur, justement ; il n’y a que ses parents, probablement, qui frôleront la crise cardiaque en apprenant la nouvelle – Alisha Devi n’est officiellement plus sur le marché. Et le pire, c’est qu’elle n’a pas l’intention de leur dire elle-même ; non, pour pousser la supercherie, le vice un peu plus loin, elle les laissera découvrir tout ça par quelqu’un d’autre, par quelqu’un du journal, par une amie de sa mère ou peut-être, qui sait, par la presse. Peut-être qu’elle est sadique, un tantinet manipulatrice, mais elle n’a jamais prétendu être une enfant de chœur, Ali. Elle n’est pourtant pas bien méchante, dans le fond, même pas cruelle. Juste un peu lasse, d’avoir encore ses parents sur son dos à son âge. Juste un peu lasse, d’entendre éternellement les mêmes choses. Ali, elle en a marre, vraiment.

Peut-être que ce n’est pas la solution – peut-être qu’elle devrait utiliser cette confiance en elle qui ne semble jamais la quitter, pour affronter ses parents, leur dire sa façon de penser, pour mettre les points sur les ‘i’ et les barres sur les ‘t’. Mais c’est fou, Alisha, on dirait bien qu’elle n’a peur de rien, sauf d’eux – quand bien même, ça ne l’empêche pas de faire tout et n’importe quoi, pour les contredire, les agacer, les faire enrager. Peut-être qu’il y a des limites, quand même. Peut-être qu’il est des choses, des sujets, trop personnels. Sa vie amoureuse, en fait partie. Elle a déjà bien de mal à gérer ses sentiments quand ils ont décidé de semer la zizanie dans son cœur, pour avoir en plus à endurer l’omniprésence de ses parents dans sa vie, et leur foutu besoin de se mêler de tout ce qui ne les regarde pas. Elle est très bien toute seule, elle – elle n’a besoin de personne. Elle voudrait juste, qu’ils le comprennent. Sans lui rappeler sans cesse, qu’elle est encore célibataire à son âge, parce qu’elle n’est pas foutue d’aimer correctement. Ouais, finalement, la solitude, ça lui pèse – comme à tout le monde, à peu près. Toujours est-il qu’elle a trouvé l’idée du siècle, l’idée lumineuse, l’idée de génie qui lui assurera la tranquillité, pour un bon moment. Alors elle est là, pénétrant dans le salon de thé, ses talons cliquetant sur le sol, avant d’aller s’asseoir à une table à l’écart de l’entrée. Retirant son manteau d’hiver pour découvrir son chemisier, elle attrape un miroir de poche dans son sac pour vérifier l’état de son rouge à lèvre, avant de le ranger. Et puis, incapable de tenir en place, elle prend son téléphone pour y lire ses derniers mails dans sa boîte bondée – quand elle entend un bruit, sent une présence, son instinct ne la trompant jamais. Levant le nez de son portable, elle reconnaît celui qu’elle attendait, celui qu’elle paye, désormais, pour prétendre l’aimer. « Asher. » qu’elle se contente de dire, sobrement, donnant l’impression que sa présence ne lui fait, ni chaud, ni froid. « Assieds-toi, je t’en prie. » Et elle désigne la chaise se trouvant en face d’elle, sans se lever, avec cet air qui démontre, que c’est elle qui décide. Peut-être qu’elle devrait lui témoigner plus de reconnaissance, cependant – et plus de chaleur, avec ça. Mais si Alisha sait donner l’impression d’être sûre d’elle en toutes circonstances, on n’a pas dit pour autant que les gens ne l’intimidaient jamais.

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I can make you more than what you are

Elle a besoin de personne, Ali – elle se débrouille très bien seule, et elle se suffit. Elle n’a pas besoin d’amour, pas besoin d’une jolie histoire, pas besoin de paillettes et de licornes. L’amour, ça fait que du mal, l’amour, c’est qu’une perte de temps. Ouais mais, l’amour, ça fait du bien de temps en temps. A certains moments. Ouais, mais d’un autre côté, l’amour, ça rend dépendant. Et putain, qu’est-ce qu’elle déteste ça, Alisha. Elle croit qu’elle a tout à perdre, à dépendre de quelqu’un. Les histoires d’un soir, c’est amplement suffisant – ou qui s’étendent plusieurs nuits, à la limite, mais jamais de sentiments. Elle s’amuse, simplement ; c’est amplement suffisant. Elle a pas besoin de plus, c’est comme ça depuis longtemps. Ouais, mais ça ne plaît pas à papa et maman. Papa et maman qui voudraient bien des petits enfants, et puis surtout, un beau mariage, un truc bien grand, un truc qui ferait parler d’eux, de leur famille, de leur nom, un truc qui redorerait encore un peu plus leur si grande réputation. Y’a que ça dont ils se soucient, et pas vraiment de son bonheur, à elle. Sinon, ils auraient été là quand elle était gamine, sinon, elle n’aurait pas été élevée par sa nourrice. Ils l’aiment quand même, elle le sait, n’en a jamais douté. Mais ils n’ont jamais fait assez, jamais vu les choses comme il le fallait. C’est pas grave, elle ne peut pas le leur reprocher, elle est un peu pareille, désormais. Sauf qu’elle, elle ne se mariera pas, elle n’aura pas d’enfants qu’elle délaissera, elle finira toute seule, et ce sera très bien comme ça, et puis voilà. Même si, comme n’importe qui, la solitude finit toujours par lui poser au bout d’un moment. Tant pis, ça vaut mieux comme ça. Ce sera très bien, comme ça. Ou ça le deviendra. Toujours est-il que les rappels constants de ses parents concernant son célibat, ils n’aident franchement pas. Peut-être qu’elle sera tranquille, désormais. Tout en s’amusant, à les torturer. Rien qu’un peu.

Ce n’est pas vraiment méchant ; c’est juste pour son propre bien. Et puis ouais, aussi, parce qu’elle a bien envie de leur donner une leçon. Qu’ils comprennent, que de nos jours, l’amour – ou le mariage – n’est pas une obligation. Eux, ils sont contents, ils se sont trouvés, c’est très bien ; elle, elle n’est pas sûre de trouver sa moitié, un jour ou l’autre. Pas sûre que ce soit préférable, de toute façon, elle ferait sûrement tout foirer. Mais elle veut quand même sa tranquillité ; voilà pourquoi elle est là, dans ce salon de thé. Elle a trouvé la solution, et en plus, ça aide quelqu’un dans le besoin – alors c’est forcément une idée de génie, hein ? De toute manière, ça ne peut que l’être, venant d’elle. C’est trop tard, maintenant, de toute façon ; elle a déjà annoncé à ses parents qu’elle était avec quelqu’un, ça lui a échappé lors de leur dernier dîner ensemble, alors qu’ils l’emmerdaient encore avec leurs foutues questions sur sa vie sentimentale. Et ledit quelqu’un, il débarque, au salon de thé, justement. Histoire qu’ils s’accordent sur les circonstances de leur rencontre, les détails de leur relation – et qu’accessoirement, ils apprennent à se connaître. Et ça, ça commence par s’appeler par son prénom. « Alisha. » qu’elle corrige, posant son téléphone sur la table, à côté d’elle. Et le fameux Asher s’assied, à son invitation – ou ordre ? –, visiblement pas à l’aise – et ça l’amuse, de le voir si perdu, si confus. « Hm, non, pas encore. Mais si les scones sont à tomber, je suppose que je devrais m’y essayer. » Et on vient prendre leur commande, justement – alors elle demande un thé noir à la violette et des scones, en même temps. Pourquoi pas commencer par là, après tout. Et le serveur s’en va, les laissant seuls à nouveau. « Je t’ai demandé de venir, parce qu’il faut que nous nous mettions d’accord sur deux-trois détails. Est-ce que tu as des questions, avant ? » Elle est comme ça, Alisha. Elle prend des libertés, elle est assurée, elle n’hésite jamais. Elle a tendance à décider un peu trop. A s’imposer. A écraser.