la fête est finie (sawyer)

1. Un café le matin, un café le midi et un café le soir. Celui du soir l’empêche surtout de dormir. Elle aime se consacrer à son travail quitte à en perdre du temps de sommeil, puis, pour elle, le sommeil est une perte de temps. Ou peut-être que ce sont ses pensées qui l’empêchent de fermer l’œil de la nuit.

2. Une moto, c’est l’engin qu’elle utilise la plupart du temps pour se déplacer. Elle a horreur des transports en commun et n’a jamais passé son permis voiture. La passion pour la moto, ça lui vient de son père, un garagiste. Tous les soirs, après l’école, elle allait le rejoindre, souvent contre l’avis de sa mère pour mettre les mains dans le cambouis. À ses dix-huit ans, il lui a offert sa première moto, un gros engin qu’elle utilise encore aujourd’hui, ne voulant pas oublier ce beau cadeau.
3. Tiraillée entre sa mère et son père. La dame voulait qu’elle fasse de grandes études alors que l’homme espérait qu’elle reprenne le garage. Forcée par les stéréotypes, forcée par ses professeurs, elle a dû se ranger dans les études.

4. Gamine pas très intelligente, enfin, elle avait de la logique – et pas mal de chance – alors elle s’en sortait toujours. Ses notes n’étaient pas brillantes, mais elle avait de bonnes appréciations. Certes, elle traînait au fond de la salle, entouré des cancres, pourtant elle n’ouvrait pas une seule fois la bouche, par respect au professeur. Sa mère lui a transmis de belles valeurs en ce qui concerne l’école. C’est peut-être pour ça qu’elle a décidé d’être professeure.

5. Elle voulait apprendre des choses à des élèves motivés, alors elle a choisi l’université. Pendant ses deux dernières années de faculté, pour faire sa thèse, elle s’est démenée. Elle n’est pas sortie avec les meilleurs résultats de sa promo, mais elle a marqué ses professeurs alors ils ont tout fait pour qu’elle soit prise dans l’université. La psychologie, c’était son dada. Devenir psychologue l’intéressait beaucoup, mais ça lui semblait inatteignable, alors elle s’est rangé là, dans l’enseignement.

6. Elle a été professeure de psychologie de ses vingt-six ans à ses trente-cinq ans. Il a causé sa perte, son inattention, sa folie. Gamin en retard d’un an, c’est à ses dix-neuf ans qu’il est rentré en première année de psychologie. Il n’a fallu qu’un cours à Sawyer pour le remarquer dans l’amphithéâtre. D’abord timide, elle n’est pas allée vers lui, n’a pas cherché à lui parler plus que ça. Puis, il y a eu ce TD, ce travail de groupe où il s’est retrouvé tout seul pour faire l’exercice alors elle s’est mise avec lui. L’attirance n’était plus physique. Il était beau mais aussi intelligent. Au lieu de la demie-heure donnée en début d’heure, elle est restée les soixante minutes à lui parler, ne voulant pas qu’il parte, espérant que cette heure ne se finisse jamais. Finalement, il est parti. La nuit qui a suivi, elle n’a pas dormi, se remémorant tout ce qu’elle avait ressentis pendant ces minutes. Il était timide aussi, elle devait être confiante pour ne pas qu’elle fasse preuve de faiblesse. Il avait du mal à lui parler puis elle a dit une phrase, une blague et tout s’est décoincé entre eux. Il la hantait, en cours, elle ne voyait que lui. Elle s’en fichait du reste, même elle aurait aimé qu’il soit le seul à venir à ses cours. Pendant plusieurs semaines, elle a gardé ses distances, s’assurant de ne pas tomber amoureuse, de ne pas tomber dans le piège. Mais elle ne pouvait pas lutter à son cœur qui battait plus vite rien qu’à lire son nom sur la fiche d’appel. Elle ne pouvait pas lutter contre cette terrible envie de le voir. Alors elle s’est lancée, à la fin d’une heure elle lui a demandé de venir la voir après le cours. Il l’a fait, elle n’en était pas très sûre. Puis elle lui a proposé de se revoir plus tard, pas dans l’enceinte du bâtiment, hors de la vue des autres. Il est parti, ne lui répondant pas. C’était foutu pour elle, jusqu’à ce qu’elle le voit quelques jours plus tard appuyés contre sa moto. Il avait une voiture, il l’a suivie jusqu’à chez elle. C’est ce soir-là qu’ils se sont embrassé pour la première fois.


7. L’amour, il est con ce sentiment, mais elle n’y avait jamais goûté auparavant. Les garçons, même les filles, elle connaissait leurs corps par cœur, mais elle n’était jamais tombée amoureuse. Sa plus longue relation n’a même pas duré un an. Elle se lassait, oubliait, passait à autre chose. Mais lui, elle ne voulait pas le lâcher, ni même oubliait son regard. Leur relation n’était que sexuelle au début jusqu’à ce que Sawyer perde ses parents dans un accident de voiture. La trentenaire a complètement changé de comportement, étant plus renfermée sur elle-même, faisant moins de blagues lors de ses cours et il l’a vu. Il l’a supporté, il l’a aidé à aller mieux, à retrouver le sourire et leur relation est devenue tout autre chose. Une confiance s’est installé entre eux, une compassion en plus. Ils avaient de plus en plus besoin l’un de l’autre.

8. Elle était venue chez lui, la maison tranquillement laissée par ces parents pour la soirée. Elle lui avait fait découvrir son univers jusqu’à son lit, il voulait faire pareil. Elle a connu la décoration un peu vieillotte de la salle à manger, les posters de base-ball de son petit frère, les photos de famille sur le frigo. Chez lui aussi, ils se sont aimés, et ce, jusqu’à ce que ses parents rentrent plus tôt, les découvrant dans les bras l’un de l’autre sur le canapé. Moment de gêne, de honte pour la blonde, il s’est excusé des milliers de fois. Leur retour était dû à une table au restaurant mal réservé, quelque chose comme ça. Pendant plusieurs jours, elle ne lui a pas adressé la parole jusqu’à ce qu’il arrive à lui faire décrocher un mot en fin de cours. Il était désolé et ça se voyait. Ils se sont revus après, chez elle cette fois-ci. Doucement, tout au long de la soirée et de la nuit, ils redevenaient les amants qu’ils étaient l’autre soir. Et un jour, peut-être une semaine après, il n’est pas venu en cours, n’a pas répondu à ses messages, ni à ses appels. À la fin de la journée, de son dernier cours, ce n’était pas un élève qui était à la porte de la salle pour lui poser une question mais bien le doyen de l’université qui l’attendait de pied ferme. Elle n’a eu qu’une soirée pour débarrasser pour ses affaires de son casier et pour partir. Elle n’a jamais remis les pieds chez l’université, même elle fait un détour pour ne pas passer devant l’établissement. On avait été dire au doyen qu’elle entretenait une relation avec l’un de ses élèves. Tout de suite, elle a su de qui il s’agissait : la mère de son étudiant. Au cours de leur soirée, il lui avait dit qu’elle n’acceptait pas la différence d’âge entre les deux individus.

9. Son dossier était foutu, elle n’arriverait pas à retrouver un emploi. C’était comme si c’était marqué en gros la seule erreur qu’elle a faite. Elle s’est retrouvée sans emploi et sans nouvelle de son amant. Quelques mois plus tard, au détour d’une conversation qu’elle entendait entre des anciens étudiants à un café, où elle prenait une collation, elle a compris qu’il était partis ailleurs, mais que personne ne savait pourquoi. Elle était triste, en colère, elle l’a détesté autant qu’elle l’a aimé. Il aurait dû lui dire, ils auraient pu partir à l’autre bout de la planète pour être heureux ensemble. Il a préféré partir, comme un lâche, c’est ce qu’elle pense. Elle n’a eu aucune autre indication sur lui, ni la ville, ni ce qu’elle fait maintenant.

10. Elle a fait des petits boulots, à droite à gauche, mais elle avait l’impression que c’était marqué sur son front qu’elle avait été virée de l’Université. Elle avait l’impression qu’on la dévisageait. Pourtant, elle continuait de travailler au cinéma, à souhaiter une bonne séance aux personnes qui venaient voir un film. Puis elle a économisé, ne sortait plus, ne buvait plus, ne fumait plus, pour gagner le maximum d’argent. À quarante ans, elle eu assez pour louer un local qu’elle a pu aménager pour faire une école Montessori, centrée surtout sur les enfants handicapés.

11. Elle habite dans la maison de ses parents qu’elle n’a jamais réussi à vendre. Elle ne payait pas le loyer alors ça lui a permis de mettre de l’argent de côté. Cette belle maison lui permet de vivre avec un chien et un lapin qui vivent en plein cohabitation. Elle sort souvent son chien le matin et le soir, en espérant tombé sur un bel homme qui a aussi un chien et de pouvoir échanger avec lui, pas que sur les chiens. C’est un malinois de six ans qu’elle a adopté au refuge, d’abord nommé Rex, elle l’a renommé Freddie. Elle a une relation très fusionnelle avec son chien puisque c’est lui qui l’a accompagné pour aller mieux après le départ de l’être qu’elle aimait.

12. Son école se fait en partenariat avec une association pour les enfants autistes et avec eux, elle organise souvent des vides-greniers pour faire parler de son école et pour récupérer des fonds.

13. Actuellement, elle ressent une forte envie d’avoir un enfant et elle se renseigne sur l’adoption.