you don't know my heart the way you know my face / maxia

Ton regard se promène dans la pièce, entre la blonde écervelée qui n’arrive pas à suivre une seule conversation et le camé qui roule son énième cône sur la table basse, bien trop concentré sur sa tâche pour remarquer que son voisin de droite lui siffle son verre depuis le début de la soirée. Toi, simple spectatrice. Toi et ta différence. Toi et tes manches longues alors qu’il semble faire une trentaine de degrés dans la pièce. Tu participe sans vraiment participer. Invitée sans être vraiment invitée non plus. Bière presque imposée à la main, tu bois une gorgée de temps en temps, pour faire plaisir. C’est pas comme s’ils t’adressaient un regard. Tu pourrais aussi bien t'éclipser, ils ne le remarqueraient probablement pas. Vous êtes une dizaine, ce soir, la musique est encore plus forte que les discussions qui fusent à travers le salon et la cuisine. Soirée posée, comme ils aiment l’appeler.

Légèrement à l’écart des autres, les jambes étalées sur ton fauteuil fétiche, tu t’amuses à suivre toutes les conversations, à retenir tous les noms dont t’entends parler - en mal, évidemment. À force, tu commences à les connaître, pourtant tu ne les as jamais vus. Ceux qui ne sont pas venus, ceux qui n’étaient pas invités, ceux qui, finalement, n’existent que pour nourrir les discussions caustiques de ce genre de soirée. Tant de méchanceté gratuite, ça t’écoeure. Et tu sais que ton tour va arriver, tu n’as pas besoin d’être absente pour avoir droit à ton petit moment de “gloire”. Tu retardes simplement l’échéance en jouant le mobilier, collée au fond du fauteuil, silencieuse, avant que l’un d’entre eux ne te repère. Faible sourire en coin, ton regard alterne entre ceux qui prennent la parole après quelques gorgées et celle pour qui tu te forces à rester.

Elle, elle ne te prête aucune attention, ou seulement très peu, comme à son habitude. Mais peu importe, tu sais t’en contenter. Tu sais apprécier ces petits regards lourds de sens, à ta façon. Tu sais même en rire, parfois. Maso, tu l’es peut-être, en fin de compte. Un peu de d’attention de sa part, même s’il s’agit de te tuer rien qu’avec un regard, même si tu pourrais presque entendre tout le dégoût qu’elle éprouve à cet instant, tu ris à l’idée que ta simple présence la dérange. Tu ris, même si ça fait mal. Et lorsque ça devient pesant, c’est le moment de t'éclipser, tu le sais. Voilà, en quoi consistent ces soirées. Profiter du peu d’intérêt qu’on te porte pour t’installer sans déranger. Garder le silence et apprécier l’instant, ses sourires, ses rires. Et disparaître lorsque la conversation commence à dériver sur des sujets qui te concernent de près ou de loin. Tu n’es là que pour ramasser les miettes. Tu es l’excuse pour cracher l’erreur du verre de trop. L’épaule sur qui s’appuyer quand le retour à la réalité est difficile. L’aide dont on ne se souvient pas le lendemain… Ta gentillesse te perdra, un jour.

Entre vous ce soir, deux obstacles. Le premier; Denson, les muscles à la place du cerveau. 1m90 de stupidité, il a pourtant su conquérir le coeur de la belle, pour ton plus grand damn. Le second; ce grand blond, qui te fixe avec un intérêt particulier depuis le début de la soirée. Lui, qui semble te voir à travers ta cape d’invisibilité. Qui pourrait te faire potentiellement démasquer à tout moment. C’est lui qui t’a proposé une bière, alors que tu n’as rien demandé. Au moins, lui, il te sourit…

Le sujet dérive sur un professeur qu’ils pensent tous homosexuel, et c’est le moment pour toi d’aller chercher une seconde bière, mieux à faire qu'écouter leurs conneries. Sans prêter attention aux autres, tu t’éloignes dans la cuisine. Et c’est en voulant récupérer le pack de bières au-dessus du frigo qu’une masse imposante vient se coller à ton corps. Deux grands bras viennent attraper le carton avant toi et tu restes là, figée et gênée au contact de son jean contre le tien. L’arrivée de Maxym dans la cuisine ne semble pas le déranger dans son action, tandis qu’une fois retournée pour lui faire face, tu tentes désespérément de gagner de la distance en te collant davantage au frigo. « Tiens, Maxym, on pourrait peut-être lancer un jeu? On s’emmerde un peu à ta soirée. Elle peut jouer, ta coloc? » Le blond finit par s’éloigner pour poser le carton sur le comptoir. Ton regard ne quitte plus celui de la jeune femme, implorant. Tu sais en quoi consistent leurs jeux, en soirée. Tu préfèrerais encore aller t’isoler dans ta chambre.

@maxym king