I've abandoned control (myra)

Le domicile familial n'a jamais été aussi vide. Maeve enlevée, Damon chassé de chez lui... Myra, elle pense beaucoup trop à où ils sont, tous les deux. S'ils vont bien, même si elle sait pertinemment que son mari sombre depuis autant d'années que leur fille a disparu. C'est sûrement ce qu'ils ont connu de plus affreux tous les deux, et malgré leur couple qu'elle croyait fort, l'accumulation de bien des choses n'a fait que les séparer. Parfois, ils se retrouvent, dans le plus grand des secrets, n'étant pas capables de réellement se passer l'un de l'autre. Cela n'empêche que Myra lui en veut, d'avoir sombré comme il le faisait par le passé. À ses yeux, il aurait dû s'accrocher pour Finn, et pour elle, assistant tous deux à sa déchéance impuissants. En même temps, elle se déteste pour ne pas parvenir à l'empêcher de se foutre en l'air. Que ferait-elle s'il n'était plus là ? Déjà qu'elle ne supporte plus rien mais cette simple idée lui fait mal. Depuis plusieurs années, elle dort extrêmement mal, et c'est encore pire quand il n'est pas près d'elle. Elle sait que c'est elle qui l'a mis dehors, pour protéger Finn, et pourtant... Il lui manque terriblement. C'est terrible cet entre-deux dans lequel elle se retrouve, sachant qu'elle y a aussi sa part de responsabilité. Et en même temps, elle n'aurait pas supporté que Finn voit son père dans cet état, ne serait-ce qu'une fois de plus. Elle, elle tient absolument à ce qu'il se fasse soigner et elle n'arrêtera pas de l'y pousser. Elle soupire, quittant son lit parce qu'elle ne trouve toujours pas le sommeil. Elle passe devant la chambre de Finn, s'assurant qu'il n'ait pas le sommeil trop agité. C'est le cas depuis que Maeve n'est plus là... Comme s'il avait peur de disparaître lui aussi. Elle laisse sa porte entrouverte, lui qui a toujours peur du noir, et elle descend à la cuisine. Elle se fait un café. Quitte à ne pas s'endormir, autant aller jusqu'au bout... Et en même temps, elle entreprend de préparer des cookies. Il est tard, mais qu'importe. Ça aussi, c'est une habitude prise depuis que Maeve a disparu, concordant alors avec les terribles insomnies de Myra. Si Finn n'était pas là, elle quitterait sûrement la maison en plein milieu de la nuit, pour conduire ou courir. Elle s'applique, de longues minutes, jusqu'à temps qu'elle entende le bruit des clés dans la serrure de la porte d'entrée. En quelques pas rapides, elle guette, sûrement trop parano. Et quand il apparaît, elle est soulagée, évidemment. Ce n'est que lui... Même si elle n'aime pas qu'il vienne comme ça. Il ne lui faut qu'une fraction de seconde pour voir qu'il a consommé, ce qui l'agace au plus haut point. Elle espère alors que Finn ne va pas se lever et le voir dans cet état. Elle soupire, à l'instant où il prend la parole. « Il est trop tard. » dit-elle, signifiant alors qu'elle refuse qu'il monte le voir. Tout ça pour quoi ? Pour réveiller le petit et que celui-ci voit son père en piteux état ? Hors de question. Puis il se met à délirer, la faisant alors pester un peu plus. Elle roule des yeux, agacée par ce qu'il pense voir. Tout en double, apparemment, y compris ses cheveux blonds négligemment lâchés. « C'est exactement ce que tu voulais dire. T'es complètement défoncé Damon, putain. » Elle gronde, Myra, à deux doigts de l'implosion tellement elle ne supporte plus rien. Elle l'a déjà vu comme ça, elle, mais d'un temps où il luttait contre son addiction. Aujourd'hui, c'est presque comme s'il avait abandonné. Il lui manque, le temps où ils étaient jeunes, et amoureux, presque inconscient. Peut-être même que le temps de leurs premiers ébats lui manque tout autant... Tout était bien moins compliqué. Maintenant, c'est comme s'ils n'avaient fait que régresser. Damon d'autant plus. « Tu comprends rien, c'est pas possible. Tu peux pas revenir quand t'as envie, et encore moins comme ça. » Elle pourrait sûrement se laisser avoir par ses beaux yeux, ses beaux sourires comme ça arrive parfois, mais cette fois, elle est bien déterminée à lui résister et lui faire comprendre qu'il ne peut pas continuer comme ça. Elle n'en peut plus d'avoir cette impression de se retrouver face à un ado rebelle et je-m'en-foutiste. Dans un geste brusque, elle lui colle une bouteille d'eau pleine dans les mains. Soit-disant que cela dissipe les effets de la drogue, sauf qu'elle n'en est pas certaine pour le coup... Et elle le plante dans l'entrée, désespérément à la recherche de ses cigarettes. Tant pis s'il lui fait la morale parce qu'elle ne le faisait pas avant. Elle en allume une, tire vigoureusement dessus pour se calmer, la colère ne faisant pourtant que monter au fil des secondes.

Malgré tout l'amour que Myra porte à Damon, elle a toujours eu bien du mal à supporter cette addiction qui fait que parfois, il n'est plus celui qu'elle connaît. Elle sait qu'il a consommé, ce soir. Elle le comprend d'office, et n'est sûrement pas d'humeur à plaisanter, ou à se montrer compréhensive. Tous les deux, ils sont dans cette passe difficile qui n'en finit pas depuis que Maeve a disparu, mais elle a l'impression qu'il ne se bat pas assez contre ses démons. Catégoriquement, elle refuse qu'il monte voir Finn, le tenant de plus en plus à distance de son père en se disant que c'est la meilleure chose à faire pour le protéger. Même s'il a grandi, qu'il est plus près d'être pré-adolescent qu'enfant désormais, elle ne veut surtout pas qu'il voit Damon dans cet état. Finn a aussi perdu son équilibre, quand Maeve a disparu, et il n'y a pas besoin d'en rajouter. « Non. » Elle refuse, encore, prête à faire barrière s'il le faut. De toute façon, c'est à peine s'il pourra monter les escaliers dans cet état. Il suffit de voir comment il se balance d'une jambe à l'autre. Bon sang ce qu'elle déteste le voir dans cet état... Il l'attaque, pourtant mal placé pour le faire. C'est bien parce qu'il a cédé à ses démons, qu'elle l'a mis dehors. Là encore, dans la seule optique de préserver Finn... Mais il ne comprend pas, ne comprendra sûrement jamais de toute façon, tout autant qu'il ne fera probablement jamais le pas pour se faire soigner. « Y a rien. Absolument rien à faire de toi. » siffle-t-elle. Le mettre dehors ou pas, rien ne semble provoquer le déclic qu'elle espérait tant. Elle se disait qu'il se serait repris en main, mais elle plaçait sûrement trop d'espoirs en lui... Elle devrait abandonner, peut-être même refaire sa vie ailleurs. Elle n'en peut plus, la blonde. Elle est à bout de forces, avec tout ce qu'elle a à gérer. Finn, le restaurant, Damon qui débarque quand il en a envie. C'est à croire que ça n'a rien changé, qu'elle le mette dehors. Il prétend ne pas faire de mal à son fils, mais elle est certaine du contraire. En réalité, il lui en fait aussi à elle, du mal. Elle n'est pas suffisante, comme raison de se battre... Et pour ça aussi, elle tombe de haut chaque jour, quand elle voit que lui ne remonte la pente à aucun moment. « Parce que tu crois que ça lui fait pas de mal, les rumeurs qui courent sur toi ?  Y a un moment où c'est lui qui ne voudra plus te voir, et tu n'auras plus que tes yeux pour pleurer. » Il reprend, lui rappelant leurs ébats de la dernière fois. C'est limite si elle ne se disait pas qu'il avait oublié, avec son cerveau qu'il fout en l'air. Elle fait comme si elle n'entendait pas sa remarque, lui collant alors une bouteille d'eau entre les mains. Qu'il en fasse ce qu'il veut, de toute façon elle n'est pas d'humeur à le forcer à boire. Trop éreintée pour lutter, elle a seulement besoin d'un peu de nicotine. Mais ça n'échappe pas à Damon, malgré son état. Il fait un tel bruit qu'elle lui lance un regard furieux, pensant à son fils qui dort probablement à poings fermés. Par ses mots, c'est comme s'il cherchait à la faire culpabiliser... Comme si ce n'était pas assez le cas, pour tout. Pour ne pas avoir su veiller sur sa fille, surtout. « C'est pas comme si tu risquais de crever à chaque fois que tu consommes. » répond-elle du tac-au-tac, estimant qu'il est là aussi fort mal placé pour lui faire la morale sur quoi que ce soit. Il s'approche pourtant, venant dans son dos pour poser ses mains sur ses épaules et les faire glisser le long de ses bras. Mais l'instant d'après, il en profite pour faire tomber la cigarette au sol. Elle peste, Myra. Ça ne le regarde pas, et ce n'est sûrement pas lui qui va ramasser le mégot. Il prétend qu'elle lui manque, quand elle ne le voit pas faire le moindre effort pour revenir dans un état décent. Elle lui en veut, a presque honte de lui et de cliché de junkie qu'il devient. « Eh bien toi, tu ne me manques pas du tout. » lance-t-elle avec agressivité en se dégageant. Elle s'adosse au plan de travail, quelques mètres plus loin, presque comme s'il était pestiféré. Elle veut tout sauf se perdre dans ses bras, ce qui la ferait au passage, perdre un peu plus en crédibilité. « C'est plus possible, tout ça. Je vais déménager avec Finn, dans un appart. » Elle commence à ne plus supporter cette maison, tant les souvenirs que le fait qu'il vienne encore quand ça lui chante. Elle n'a vraiment pas besoin de ça, Myra... Un jour ou l'autre, ça la rendra vraiment malade cette situation, et c'est là que Finn n'aura plus personne pour veiller sur lui.

Damon a toujours été honnête avec Myra. Il lui a parlé de ses démons, de son addiction natale sans filtre, parce qu’il jugeait qu’elle serait son roc, la personne qui lui permettrait de traverser la tempête quoiqu’il advienne. Longtemps il avait réussi à repousser ce désir sempiternel d’immobilité émotive, de cette distorsion de la réalité, pour elle. Pour eux. La naissance de Maeve avait achevé de le rendre heureux si bien qu’en quatorze années, il n’avait peu ou pas craqué. Pas même lorsqu’il trainait dans des affaires pas très nettes. Mais la disparition de sa fille adorée, c’était pire qu’une torture, c’était éradiquer ses fondations qu’il pensait solides en un rien de temps. Il en a oublié qu’il avait un petit garçon qui aurait grand besoin de la force de son père pour continuer d’y croire, mais c’est au dessus des forces de Christensen. Maeve représentait tant à ses yeux, son premier enfant, sa merveille, sa petite fille. Il ne pouvait se résoudre à accepter qu’elle ne fût plus de ce monde, et pourtant il voulait croire que si elle était encore parmi eux, elle serait revenue depuis. Myra ne saisissait pas pourquoi il avait sombré, mais c’est parce que sa souffrance était trop grande. Succomber à la drogue c’était comme momentanément mettre son cerveau dans un état léthargique, panser son cœur temporairement pour qu’il arrête de saigner. Dissimuler ses larmes derrière un rire faux pour se donner contenance. Sa femme regrette qu’il n’ait pas pu faire face, mais selon lui ça traduirait un manque d’empathie et d’émotions. Il feint d’entendre un bruit important en tendant l’oreille et portant sa main à cette dernière. « On croirait entendre ma mère. Serait-elle née en 1978 ?! » Sa mère adoptive avait toujours eu ce genre de remarques à son égard, persuadée qu’Howard n’aurait pas dû faire le pari d’adopter un enfant de junkie. Et il affiche une moue sceptique. « Cette maison est hantée ! » Jugea-t-il en regardant en l’air pour continuer de se moquer de Myra. Il sourit, comme si tout était aussi léger que des plumes virevoltant dans l’air, mais bien vite son expression change. Il s’agace le quarantenaire parce qu’il a l’impression que ce qui compte aux yeux de sa femme c’est comment leur famille est perçue tandis que lui ne voit que sa peine. « Les rumeurs ! Y a que les apparences qui comptent pour toi ! Je me fous de ce que les gens pensent ! Tu lui fais du mal en m’éloignant de lui et tu me fais du mal aussi, et ça c’est pas une rumeur ! » Qu’il lui dit en levant le doigt comme pour lui signifier la chose. Il sait que son fils n’a probablement pas une belle image de son père, mais Damon ne se considère pas comme un exemple. Il est pilote de courses illégales, junkie au passé déplorable, s’il y a une chose qu’il souhaite, c’est que Finn ne lui ressemble jamais. Ca n’enlève pas qu’il possède une certaine fierté d’être son paternel. Il repense inévitablement à sa propre relation avec son père qui en le mettant dehors est passé à côté d’une relation forte. Howard l’a regretté, Damon a vécu avec. Si Finn choisissait de ne plus voir son père, il songeait qu’il n’agirait pas comme son défunt père adoptif, il chercherait à faire perdurer le lien de quelque manière qu’il soit. Son attitude vacille entre le sens et le non-sens et il met sa main devant la bouche comme un enfant pris sur le fait quand il se rend compte qu’à applaudir de la sorte il peut réveiller son gamin. Il hausse les épaules quand Myra suggère qu’il se détruit un peu plus qu’elle. « Je risque de crever à chaque fois que je respire. » Référence à la pollution, référence au monde de fous dans lequel ils vivent, mais également à sa peine grandissante qui le consume un peu plus chaque jour. Il aurait besoin de la retrouver, qu’elle soit suffisamment forte pour le tirer d’affaire, mais c’est bien trop lui demander avec la pression qui pèse sur elle. Alors qu’elle le bouscule et s’éloigne de lui, Damon titube en arrière et se rattrape in extremis, écartant les bras pour se stabiliser tel un funambule. Ca le fait rire, son regard est vide, ailleurs. « Ouuuh la menteuse ! » Qu’il crie tel un gamin, la pointant du doigt. Il ne peut pas croire qu’il ne lui manque pas. C’est improbable. Elle n’est pas cette femme froide qu’elle laisse apercevoir. Damon se met alors à attacher ses cheveux grossièrement se saisissant de l’élastique qu’il à autour du poignet écoutant l’annonce que Myra fait à ce moment et qui le laisse pantois. Elle souhaite déménager et Damon ne peut le concevoir. Ils ont tous leurs souvenirs ici, c’est la maison où ils ont élevé Maeve et Finn, le seul point de rattachement à leur bonheur. « Je garderais la maison alors. Il est hors de question que je la vende. C’est le seul endroit que Maeve connait. Mais on dirait que tu t’en fous de ta fille. » Qu’il tempête. S’il faut qu’il deale pour préserver cet endroit, il le fera. Il nourrit l’espoir que sa princesse frappera un beau jour à cette porte, ou qu’il la trouvera assise sur le canapé quand il rentrera d’une journée passée à la boutique. La colère l’étreint. Agressif, il s’avance vers elle d’un pas hâtif, trop sûr pour son état, comme soudainement énergisé par cette annonce déplorable. « Et si tu crois m’empêcher de voir mon fils tu te mets le doigt dans l’œil. » Il est prêt à tout. Elle ne sait pas de quoi il est capable. « A ta place j’abuserais pas trop Myra. Tu le regretterais. » Une menace qu’il lui souffle comme un serment tant la colère s’est emparée de lui.

Au début de leur relation, Myra savait dans quoi elle s'engageait, sous-estimant probablement la difficulté de vivre avec quelqu'un comme lui. Les risques de rechute, et tout le reste. Ce n'était pas vraiment arrivé jusque-là, pas beaucoup. Mais aujourd'hui, elle n'a même plus la force de se battre, pas alors qu'elle refuse d'abandonner l'idée que Maeve reviendra. Tant pis si elle se montre dure avec Damon. Selon elle, il ne mérite pas mieux... Pas alors qu'il se laisse aller à ses démons, sans se soucier de Finn ni d'elle. Parce qu'eux, ils sont là, assistant impuissants à sa déchéance. Elle aussi, elle pourrait réellement sombrer, autrement que dans des crises de larmes et de colère, mais elle ne se le permet pas. Elle pense à son fils, elle n'arrête pas, pas même quand Damon se moque ouvertement d'elle. Tant pis si elle devient folle à vouloir le protéger de tout et de tout le monde, même s'il grandit, Finn. Tant pis si elle le dispute trop souvent quand il ne rentre pas à l'heure. Elle l'étouffe, probablement, mais ne peut pas faire autrement quand elle a l'impression qu'il ne peut plus que compter que sur elle, et certainement plus sur le déchet ambulant qu'est devenu son père. Les mômes sont mauvais entre eux, de nos jours. Au collège, y a ceux qui ne font que répéter à Finn qu'on a vu son père dans un sale état, déchirant son petit cœur un peu plus à chaque fois. Mais c'est comme si Damon n'y accordait pas la moindre importance, ne pensant qu'à lui. « T'es tellement égoïste putain ! » siffle-t-elle. Si les apparences comptaient tant, leur histoire n'aurait probablement jamais commencé. Mais tout ça, il l'oublie. Il délire totalement, et elle déteste plus que tout le voir comme ça. Tellement qu'elle se demande si elle l'a vraiment aimé, auparavant. Elle en vient à en douter, à se demander comment elle a fait toutes ces années. Elle en vient même à se dire que leur bonheur n'était peut-être pas réel, pour qu'il abandonne aussi facilement. Elle a honte de lui, honte du lâche qu'il est devenu en se laissant totalement aller. Quand il s'approche d'elle, elle sait pertinemment qu'elle ne doit plus refaire l'erreur de se consoler dans ses bras. Et elle lutte, Myra. Contre la passion qui l'anime encore, contre cet amour dévorant dont elle finit par ne plus vouloir. Ce n'est clairement pas de cette version de lui dont elle est tombée amoureuse. Ce n'est pas ce type qui tient à peine debout qu'elle désire. D'agacement, elle souffle à sa réponse. Il est toujours là, à minimiser les risques de sa consommation, comme si ce n'était pas grand chose. Myra désespère qu'il se fasse soigner un jour. Elle ne peut pas supporter de le voir se détruire comme ça, échapper à ce que leur vie est devenue. Alors oui, elle prétend qu'il ne lui manque pas. C'est l'homme qu'elle a eu à ses côtés au début, qu'elle aimerait retrouver. Pas cette carapace vide. Il pense qu'elle ment, mais ce n'est pas vraiment le cas. Comme s'il s'imaginait qu'elle ne pouvait pas ne plus l'aimer un jour. C'est elle, qui va finir par mourir. Mourir de fatigue, à cause de tout ce qu'elle endure. Elle ne peut plus, être prisonnière de cette maison qui abrite trop de souvenirs. En un sens, il a de la chance de ne plus y être à plein temps, parce qu'elle supporte de moins en moins de passer devant la chambre de Maeve, laissée intacte depuis ce jour-là. Il ne supporte pas l'idée qu'elle puisse quitter la maison, faisant alors encore un peu plus preuve d'égoïsme. Ça ne l'étonne même plus, de le voir comme ça. Et ce qu'il sous-entend alors... Elle voit rouge, Myra. Elle ne l'écoute plus, quand il déverse des menaces, comme s'il n'en avait pas dit assez. Ce qu'elle préparait avant qu'il n'arrive, elle le balaye d'un violent revers de la main, la vaisselle s'éclatant au sol dans un terrible vacarme. Si Finn ne se réveille pas, ce sera un miracle. Avec autant de force, elle abat son poing contre le torse de l'épave qu'il est. « T'es un monstre, Damon. Comment tu peux dire ça putain.  Comment tu peux dire que je m'en fous d'elle, quand moi, je vis avec la peine de l'avoir perdue, chaque seconde. Tu sais quoi... Elle a même de la chance de pas t'voir comme ça. Regarde toi bordel, tu me fais honte ! » Et elle le pousse, Myra, avec une brutalité qu'on ne lui soupçonne pas. Elle éclate, sa peine, dans ce débit de paroles qu'elle ne contrôle pas. Dans ses larmes de colère qu'elle ne cherche même pas à essuyer. Elle se fout de se déchaîner sur lui, quand il laisse entendre qu'elle se fiche de Maeve. Sa disparition est de loin la pire chose qui soit arrivée dans la vie de Myra, et elle sait qu'elle ne s'en remettra jamais... Changée, pour toujours, par ces minutes interminables à compter du moment où elle n'était plus dans son champ de vision. « Comment veux-tu me manquer quand t'es comme ça... T'es plus toi-même. » souffle-t-elle finalement, baissant les yeux sur le carnage qu'elle vient de mettre dans la cuisine. Ça ne lui arrive que rarement, de perdre le contrôle ainsi. Jamais ça ne se produit devant Finn. Quand il est là, elle garde tout en elle, se concentre rien que sur son bien être à lui. A ce moment précis, elle gronde encore, Myra. Elle n'arrive pas à se calmer, et rien ne peut l'aider.

Damon ne veut pas comprendre où elle veut en venir, parce qu’il ne s’est jamais soucié de l’image qu’il renvoyait, ni des rumeurs, ni des ragots qu’on colportait sur lui. Il y a dû en avoir pourtant. Il avait toujours essayé d’inculquer cela à ses enfants. Il ne voulait pas que la société les pousse à devenir des moutons. Il prônait la différence et avait toujours été bien marginal. Aussi, ça lui passe au dessus que des gens prétendent le connaitre au travers de ses agissements. Finn ne devrait se baser que sur sa propre perception, et peut-être qu’elle n’est pas reluisante, mais qu’importe. La seule chose qui importe au père de l’enfant c’est que son fils puisse grandir malgré le drame survenu des années plus tôt et qu’il se reconstruise. Son propre état ne rentre pas en jeu parce qu’il n’entend pas que sa famille puisse souffrir de le voir dégénérer de la sorte alors qu’il ne fait ça seulement pour se préserver et ne pas finir six pieds sous terre. Mais il ne peut en parler, alors il se contente juste de nier la chose et de ne renvoyer la balle à l’envoyeur. « Egoïste, moi ? Ca c’est la meilleure ! » Il ricane, encore et toujours. Et puis finalement, à froncer les sourcils, comme si les effets de son opiacé se dissipaient, il lâche : « Tu penses à moi quand je crève dehors, Myra ? Tu vois que ta propre souffrance. Si j’étais égoïste, je garderais le peu de fric que j’ai plutôt que de le mettre dans une maison où je ne suis même plus le bienvenu. » Ca le contrarie d’ailleurs. Il a conscience qu’elle craint pour Finn, comme s’il pouvait lui faire du mal, mais elle en oublie que Damon a toujours dû se battre contre sa dépendance qui ne lui incombait même pas ; elle oublie qu’il est fragile et qu’il n’a pas la même façon qu’elle de faire face à leurs problèmes. C’est un écorché vif et le drame l’a poussé un peu plus dans les méandres d’une faille interminable. Il sait que sa femme le méprise, abhorre son comportement récent et ne cherche même plus à le saisir. Elle est en colère, c’est perceptible même pour lui encore défoncé au possible. Il voit qu’elle a besoin d’exploser, il sent qu’elle est à la limite de la rupture, et il croit que ça pourrait lui faire du bien, alors il la pique au vif. Et telle une grenade sans détonateur, elle dégoupille comme prévu. Voire même bien plus. Après avoir déversé la vaisselle au sol qui se répand et se brise devant un Damon impassible, il encaisse le coup porté sur son torse sans la lâcher du regard. Elle lui déverse un flot de paroles qu’il entend à peine. Il sait ce qu’elle dit, elle lui répète inlassablement. Au fond, l’Islandaise cherche à vivre pour Finn, pour les vivants, là où Damon se délaisse pour Maeve, pour les morts. Ils ont pris un chemin différent frappés par le même drame. Il serre la mâchoire Damon, parce qu’il en a marre qu’on le traite comme un enfant, qu’elle lui reproche sa déchéance comme s’il aurait dû se contenter d’un haussement d’épaules après la disparition de sa fille. En fait, il est persuadé que sa femme ne saisit pas l’ampleur de sa blessure. Alors il ouvre son cœur, persuadé qu’elle est capable de lui porter un coup fatal. « J’en peux plus Myra ! Tu veux pas le comprendre, c’est ton choix. J’en ai marre d’étouffer, de vivre avec la culpabilité, de ne penser qu’à cette main que j’ai eu le malheur de lâcher, d’imaginer ce qu’on lui a fait. Je peux pas faire face comme toi. Maeve c’est la personne la plus importante à mes yeux. Sans elle, je suis plus rien. » C’est lui qui tenait la main de Maeve quand elle a disparu. C’est lui qui est fautif. C’est une faute impardonnable qui l’empêche de retrouver la raison. Et d’ailleurs, il aurait dû nuancer ses propos lorsqu’il dit que Maeve est la seule personne qui compte. Ce n’est pas totalement vrai puisque sa famille toute entière a la même importance mais le chagrin l’aveugle et le prend tout entier pour le dérouter, l’anéantir. « Ca ferait longtemps que j’aurais abandonné si j’avais pas ça pour oublier trente secondes… » Qu’il murmure. Il n’a que ça pour apaiser son cerveau qui vrille à chaque seconde passée loin de sa fille. Il voudrait remonter le temps, il voudrait ne rien ressentir de tel, mais ça n’est pas possible. C’est alors que Finn émerge, descendant des escaliers, inquiet du bruit et des cris. Comme pour chercher à protéger Myra, il sourit à son fils sans pour autant s’approcher et lui dit : « Désolé Finn, j’ai fait tomber la vaisselle… Je suis content de te voir. » Le pré-ado n’est pas dupe, il s’est tramé quelque chose, mais il semble rassuré qu’il ne s’agisse que de ses parents et sans répondre, il remonte se coucher. Damon a un pincement au cœur. Il est conscient que les relations avec son fils sont plus complexes. D’un autre côté, il se dit que c’est peut-être mieux pour lui d’évoluer loin de son père.

Même si Myra est loin d'être superficielle, elle doit bien admettre que ce qu'on dit de Damon lui fait de la peine. Pour les autres, il a la même image de junkie que celle qu'il lui donne ce soir. Ce type qui n'a plus le contrôle de sa vie, qui erre et crèvera sûrement d'une overdose un jour ou l'autre. Elle lui en veut, de se laisser aller ainsi sans penser à Finn, sans penser à elle. Y a plus rien d'autre que sa peine qui compte, quand il fait totalement abstraction de la leur. Des mots qui peuvent blesser Finn, de son absence qu'elle ne supporte pas contrairement à ce qu'elle prétend. Il se donne le beau rôle, encore et toujours, parce qu'elle a voulu préserver leur fils des visions de son père en train de sombrer. Mais il ne comprendra jamais... Peut-être bien qu'elle doit se rendre à l'évidence que c'est terminé entre eux, et depuis bien longtemps. Il en appelle à ce sentiment de culpabilité qui la bouffe autant qu'elle est certaine d'avoir pris la bonne décision pour Finn. Que de sentiments contradictoires dont elle ne sait pas quoi faire. « Bah vas-y, garde ton fric. Je m'en sors très bien toute seule. » Et c'est vrai. Le restaurant tourne bien, les courses rapportent assez pour qu'elle puisse subvenir à ses besoins et à ceux de son fils. Elle n'en veut pas, de son argent. Ça lui passe au-dessus toutes ces histoires matérielles. Elle, elle voudrait surtout retrouver leur famille, et son mari dans un état un minimum normal. Ou peut-être bien qu'elle a besoin de repartir de zéro, de s'éloigner de tous ces souvenirs-là. Elle est perdue, à vrai dire, ne sachant plus trop à quel espoir s'accrocher. Peut-elle encore avoir de l'espoir, pour une chose ou pour une autre, de toute façon ? Pas quand il prétend qu'elle se fiche de Maeve. Elle vrille tout de suite, voit si rouge qu'elle balaye la vaisselle d'un revers de la main. Elle ne peut pas entendre ça. Pas quand elle ne trouve plus le sommeil à l'idée qu'on fasse du mal à la chaire de sa chaire quelque part. Pas comme si on l'avait arrachée à ses entrailles quand elle la portait encore en elle. Sur ce point, elle est certaine qu'il est bien incapable de la comprendre. Il n'a jamais porté la vie, lui. Il ne sait pas ce que ça fait de sentir un petit être grandir en soi, et, lui porter tout l'amour du monde sans même l'avoir vu. Et combien elles étaient proches, combien elles se ressemblaient, toutes les deux. La même chevelure d'or et les mêmes yeux clairs. Tandis que Finn, c'est le portrait craché de Damon. Tout ce  qu'elle espère, c'est qu'il ne deviendra pas le même déchet, et tant pis si elle doit lui faire la guerre pour que ça n'arrive pas. Lui aussi, il lui ouvre son cœur, mais elle ne peut pas s'empêcher de n'en retenir qu'une partie. Maeve. La personne la plus importante de sa vie. « Evidemment. Parce que personne d'autre ne compte sur toi peut-être. » siffle-t-elle, bien décidée à ne pas en entendre davantage. À ce moment précis, elle pourrait bien détruire tout ce qu'elle a à disposition. Elle tente de se contenir, mais c'est de plus en plus difficile. C'est la vision de Finn qui descend les escaliers qui l'empêche de céder à sa colère. Il a sûrement entendu le vacarme, et leurs voix bien trop fortes dans la cuisine. Elle s'en veut, de l'avoir interrompu dans son sommeil, même si lui aussi le trouve difficilement parfois. Elle ouvre la bouche pour dire quelque chose, mais c'est Damon qui prend la parole, prétendant que c'est lui qui a cassé la vaisselle. C'est pour le mieux. Elle ne veut pas effrayer Finn avec les crises de colère qu'elle pique parfois pour pas grand chose. Cela semble suffire à leur fils puisqu'il ne dit pas un mot avant de retourner dans sa chambre. Il a pris sa défense, et en même temps... Sa colère ne peut pas s'en aller en claquant des doigts. Si Maeve compte plus qu'eux deux réunis, elle n'a sûrement plus besoin de se battre pour qu'ils redeviennent une famille. « Merci. » souffle-t-elle, rapidement avant de se détourner de lui pour remettre la cuisine en ordre. Elle nettoie le plan de travail énergiquement, sans rien dire pendant un temps. Et puis elle ramasse la vaisselle cassée, prudemment pour ne pas se couper avec le verre. « Tu vas te reprendre en main, Damon. Tu vas te faire soigner et je me saignerais au travail pour que tu puisses le faire. » lâche-t-elle sans le regarder, continuant de faire ce qu'elle a à faire. Ça ne se fera pas tout seul, de toute façon. Toujours avec la même énergie, elle s'assure qu'il ne reste plus de débris sur le carrelage – en plus, Finn a la manie de marcher pieds nus partout -, et jette à la poubelle le mégot de cigarette qu'il avait écrasé de son pied. « Puis de toute façon, je vais appeler l'avocat. On va pas rester comme ça éternellement. » ajoute-t-elle. À quoi bon garder son nom, et espérer le retrouver, quand ils sont foutus de se cracher autant d'horreurs à la seconde ? Ça n'a plus d'intérêt, et elle sait que c'est encore à elle que revient cette décision.