(2018/Isibeal) I come to you in pieces

Il y a des rencontres fortuites qui changent votre quotidien. Une nuit, alors complètement épuisé suite à une course interminable pour le compte de Saul Ledger – heureusement gagnée – il rentre en flânant, les yeux rivés en l’air, pas stable pour deux sous. Il s’est encore drogué pour arrêter la douleur. Pas physique, mais mentale. Il a encore vu une petite fille de l’âge de Maeve quand elle avait disparu. Il ne l’encaisse pas. Il jalouse tous ces pères qui ont la chance de pouvoir border leur enfant chaque soir. Il pourrait le faire avec Finn, mais Myra, sa femme, ne veut plus qu’il s’en approche tant qu’il n’est pas clean. Il en ricane intempestivement, parce que jamais il ne ferait de mal à son propre fils, mais elle n’a pas l’air de le croire. Il s’est trouvé un squat qu’il partage avec un petit nombre de sans domiciles. Il pourrait pourtant dormir dans quelque chose de plus cosy, chez sa psychiatre. Mais il ne veut ni être plaint, ni redevable. Et puis, à vivre dans la rue, il a bon espoir de retrouver Maeve. Il ne l’a pas retrouvée, mais il s’est fait un nouveau compagnon. Il l’a nommé Shiva, parce que le dieu indou est le premier truc qui lui était passé par la tête. Un chien, un labrador noir, errant, rachitique. Pris de compassion pour la bête, il avait partagé tous ses repas avec lui, fait de la place sur son vieux matelas pourri, bref, en quelques jours le chien et l’humain étaient devenus meilleurs amis. Mais ce soir, il ne le trouva pas sur le matelas, mais un peu plus loin. Le chien grelottait et semblait avoir de la difficulté à respirer. Inquiet, il s’en approcha, tentant de savoir si quelqu’un lui avait fait du mal. Apparemment pas. L’animal tenta de se lever à son approche et il le somma de rester couché, le recouvrant de sa couverture et de sa veste. Peut-être hallucinait-il ? Il n’était pas sûr alors il demanda à l’un des sans-domicile présents sur les lieux. Il lui avoua que le chien avait fait de drôles de bruits pendant son absence. Le soleil s’était déjà levé. Il lui fallait agir. Il ne laisserait pas son fidèle compagnon mourir. Angoissant, il sortit une énième pilule de sa poche.

Il n’avait vraiment pas les moyens de payer le vétérinaire. Il n’y avait qu’une solution et tandis qu’il prenait une profonde inspiration suite à la prise de son petit opiacé. Il savait où aller. Il avait remarqué un refuge animalier sur Old Street à quelques centaines de mètres de sa maison. Il amènerait Shiva là-bas dès l’ouverture, peut-être quelqu’un pourrait l’aider. Il n’avait pas dormi, il était fatigué, mais sa drogue l’aiderait à tenir momentanément. Dans le squat, il récupéra un chariot de supermarché, d’où il retira tout ce qui se trouvait dedans, et installa le pauvre labrador, délicatement à l’intérieur. Il pesait lourd, mais Damon se fichait bien de la difficulté de la tâche. Le recouvrant à nouveau en le rassurant : « Ca va aller mon vieux… » Il se mit en route. Il pousserait le caddie jusqu’à là-bas. Il aurait pu appeler Myra et lui demander la voiture, mais elle le connaissait bien et elle n’aurait pas pris le risque qu’il conduise sous l’emprise de la drogue. Une fois arrivé sur Old Street, à l’endroit du refuge, il prit le chien dans ses bras, abandonnant le caddie dans un coin. « Y a quelqu’un ? S’il vous plait, j’ai besoin d’aide ! » Cria-t-il pour attirer l’attention, regardant partout à la fois. Le chien docile ne bronchait pas dans ses bras, faible au possible. Damon ne ressemblait guère à quelqu’un de présentable : cheveux longs emmêlés, vêtements abîmés, troués, la drogue faisait son effet et il se sentait extrêmement lourd. Il vit alors apparaitre devant lui une femme plus que charmante et s’avançant vers elle, il réitéra : « Vite, s’il vous plait, aidez-moi ! Ce chien est malade, il faut l’aider, je ne peux pas payer les frais de vétérinaire, mais je vous en supplie, ne le laissez pas mourir ! » Quitte à le lui confier pour qu’il vive bien mieux que dans la rue avec lui, mais il voulait qu’il vive. Il semblait que tout être à qui il tenait, finissait par faire face à des événements tragiques.

Les jours se suivaient et ne se ressemblaient pas.. Ça, c’est une chose qu’Isibeal avait pu largement constater et confirmer au cours de cette année écoulée. Parce que même si ses tâches étaient répétitives. Travailler avec des animaux lui avait clairement prouvé que chaque jour était différent à sa façon. C’est de cette façon qu’elle appréhendait chaque journée depuis qu’elle l’avait réalisé. Pour preuve cette journée était déjà différente dans le fais qu’elle s’était éveillée avant même que le soleil ne pointe le bout de son nez dans le ciel. Elle avait alors simplement enfilé un pull long assez épais, elle s’était fait un thé et s’était installé sur le rebord de l’une de ses fenêtres. Prenant le soin d’emmitoufler ses cuisses nues par la laine chaleureuse, elle avait simplement passé l’heure suivante en admirant le lever du soleil. La fascination qu’elle avait de voir chaque fois les nuance d’orange et de bleu s’éveiller dans le ciel, se rassasiant du spectacle. Avec le soleil, s’était éveiller les chiens du refuge et voilà les premiers qui commençaient déjà a pousser leurs premiers aboiements parce qu’ils savaient que c’était bientôt l’heure du petit déj’. C’est avec un large sourire aux lèvres et la conviction que cette journée serait une belle journée, qu’elle était rentrée et remonté à l’étage pour prendre sa douche afin d’attaquer la journée du bon pied. Attachant ses cheveux dans une queue-de-cheval qui la laisserais libre de ses mouvements, enfilant un jeans pour les mêmes raisons quant au reste ça serait ce qui lui passerais sous la main, d’encore propre… Parce qu’il semblerait qu’il était temps qu’elle fasse une lessive !

C’est en fredonnant la chanson qui lui trottait dans la tête qu’elle était sortie de la maison pour marcher en direction des boxs. Fin prête pour ses corvées de la matinée. Bien que pour elle, le nourrissage et les sorties des chiens étaient loin d’être une corvée. C’était surtout le nettoyage des boxs qui l’était. Mais c’est aussi ce qui faisait qu’elle avait si bonne réputation ! Et aussi pourquoi les voisins ne se plaignaient pas des odeurs… Elle mettait un point d’honneur à garder son refuge le plus propre possible dans les conditions qu’autant d’animaux le lui permettaient. Elle s’attelait à la préparation des rations de croquettes quand elle entendait ce qui lui semblait être quelqu’un qui criait. Elle fronça aussitôt les sourcils et sortait de la petite réserve pour observer les alentours. Ce sont les aboiements des chiens qui lui indiquèrent la direction à regarder et c’est là qu’elle le vit. Sa carrure semblait celle d’un homme malgré les cheveux long. Il n’avait pas fière allure et Isibeal comprit aussitôt que c’était un SDF. Il fallait dire qu’à moins d’avoir un goût plus que douteux pour la mode, il ne laissait pas vraiment place au doute. Il semblait tenir un animal dans ses bras et la jolie blonde marchait prudemment dans sa direction alors qu’il l’interpellait pour qu’elle lui vienne en aide. Plus elle s’approche, plus elle distingue l’animal dans ses bras et elle finit par courir dans sa direction pour venir vérifier le pouls de l’animal. Il respire, c’est déjà cela. Même si ça respiration n’est pas la plus normale du monde. En posant prudemment sa main sur la tête de l’animal, la jeune femme remarque qu’il ne semble pas avoir bien chaud. « Venez le mettre à l’intérieur, les boxs sont trop froid pour lui vu son état. » En levant les yeux vers l’homme elle vit que lui non plus ne semblait pas dans le meilleur des états. « Monsieur ça va ? » Demande-t-elle en se demandant soudain si en plus du vétérinaire, elle allait devoir appeler un médecin. « Vous êtes sûr de pouvoir le porte jusque chez moi ? » Demande t’elle en posant sa main sur son épaule, le voyant tanguer un peu. Peut-être que ce n’était que le choc de voir l’animal dans cet état qui le rendait ainsi, elle l’espérait en tout cas.

Shiva est son seul compagnon dernièrement. Il ne souhaite pas aller taper à la porte de chacun pour demander l’aumône ou le droit d’asile. Il n’en a pas besoin et ce n’est pas en prenant soin de sa petite personne qu’il retrouvera Maeve. Sa fille a été enlevée, bien sûr qu’elle ne traine pas dans les beaux quartiers. Son bien-être n’a aucunement d’importance à ses yeux tant qu’il ne retrouve pas sa fille. Alors il laisse les humains loin de sa peine et son chagrin et il trouve du réconfort auprès d’un chien qui l’a suivi partout où il allait comme son ombre, comme s’il avait toujours été son maitre. Damon avait un faible pour les animaux et pourtant, il n’en avait jamais eu. S’il pouvait, il nourrirait tous les chiens du quartier. En tout cas, il avait partagé sa nourriture en deux depuis de nombreuses semaines à présent. Il a tissé un lien particulier avec l’animal et il ne se voit absolument pas l’abandonner à son triste sort ; aussi ce refuge est un peu sa seule porte de sortie. Un vétérinaire n’acceptera pas de le prendre en charge gratuitement et il faut faire vite. Damon ne se pose aucune question en venant ici, il veut juste que son chien puisse vivre. Il a une dégaine terrible, ses longs cheveux et sa barbe fournie dans ses guenilles peuvent probablement effrayer la demoiselle qui se présente à lui et heureusement elle comprend que la situation est critique pour le chien. Reconnaissant, Damon pose un regard empli de soulagement sur la demoiselle quand elle lui indique qu’il vaut mieux conduire le chien à l’intérieur et il acquiesce tant bien que mal. Christensen est épuisé, il a beaucoup marché, mes ses bras restent bien en place autour du chien comme une carapace de protection. Ses jambes tremblent en revanche, il lui est difficile de tenir debout sans flancher et son regard se perd un instant, comme pris d’une fatigue apaisante et d’une hallucination tant son interlocutrice dégage une aura. Il pourrait lui dépeindre une auréole au dessus de sa tête. Elle se souciait de son état et il avait l’air à mille lieues de là. Reprenant ses esprits, il acquiesça vivement. « Le chien est important, allons-y s’il vous plait ! » Pas de temps à perdre pour lui. « Je vous suis. » Elle semble douter de sa capacité à porter le chien jusqu’à l’intérieur mais il sait qu’il en est capable. Il insiste alors : « Oui, je vous assure je vais bien, je veux juste sauver le chien ! » Mais il n’est pas au mieux, il en a conscience. Il se focalise sur sa tâche, le chien, parce qu’il ne peut pas tout mener de front et c’est tout ce qui lui importe. Il ne va pas lui balancer qu’il est sous l’emprise de drogues parce qu’il avait besoin de se calmer, parce qu’il fait de drôles de rêves suite à un événement regrettable. Ils ne se connaissent pas. « Vous connaissez un vétérinaire ? » Lui demande-t-il alors qu’il ne sait pas s’il peut lui faire confiance. Il suit la demoiselle tant bien que mal, exténué au possible, mais ne cherchant qu’une chose : tirer d’affaire le labrador noir. Ayant couvert le chien de sa veste, il ne peut s’empêcher de trembloter, le froid l’étreignant de tout son être. Suivant la jeune femme, il l’observe, la détaille. C’est une belle femme. Il l’aurait plus imaginée sur des podiums qu’auprès d’animaux à nettoyer leurs enclos, mais c’est tout à son honneur. Il est cependant rassuré qu’elle n’ait pas tenté de le faire déguerpir car sinon, le chien aurait été condamné.

Elle en a vu des choses et des gens passer depuis qu'elle tient son refuge. Mais elle doit bien l'avouer, c'est bien la première fois qu'elle doit faire face à cela. Jamais elle n'avait vu un homme comme lui. Les traits de ses yeux lui laisser supposer qu'il est jeune. Mais sous se t'as de cheveux et cette barbe elle est bien incapable de pouvoir se donner ne serait-ce qu'une fourchette d'âge. Des animaux retirés à des gens qui n'ont aucun moyen et tout juste un toit, elle en a déjà vu passé. Mais qu'on le lui amène directement, cela aussi, c'est bien une première. Souvent les gens, peu importe leur classe sociale, laisse les animaux devant la grille sans jamais se montrer. Alors oui, même si son apparence lui fait peur, il a bien plus de courage que n'importe qui. Et puis la vue de l'animal en souffrance fait sauter toutes ses barrières. Elle s'avance vers eux et demande à l'homme de porter l'animal à l'intérieur. Seulement, elle remarque qu'il ne semble pas dans un meilleur état que son animal. Il a beau lui affirmé que l'important, c'est le chien, elle se demande s'il va réellement réussir à le porter jusqu'à chez elle. En voyant son insistance. Il finit par lui dire que oui, il y arrivera. Elle reste près de lui pour l'assurer s'il vient à lui arriver quelque chose. Car elle le voit, qu'il tremble, qu'il vacille. Il lui donne la sensation d'une feuille qui se bat au grès du vent. Mais elle s'étonne, il la surprend avec la question suivante. Il s'inquiète vraiment pour ce chien et dans le fond ça la rassure. Elle a peut-être tort, mais pour elle un être humain qui s'inquiète pour la vie d'un animal ne peut qu'être quelqu'un doté d'un fond bon. Et cette idée le rend un peu moins effrayant, contrastant avec cette apparence. « Oui, il est à deux pas d'ici, je vais l'appeler une fois que nous serons tous à l'intérieur. » Parce qu'elle ne veut pas sortir son téléphone portable et risquer de s'encombrer une main alors qu'elle n'est pas sûre que l'homme à côté d'elle tiendra la distance... Elle ne veut prendre aucun risque et rester en pleine possession de ses moyens. D'ailleurs chaque fois qu'il trébuche, elle agrippe une main autour de son bras, l'autre passant autour de ses épaules pour l'aider à ne pas partir en avant et chuter.

Devant la porte d'entrée elle ouvre et passe la première pour indiquer le chemin et préparer le terrain. Elle attrape la première couverture qui lui passe sous la main et la tire du canapé pour former un rectangle grossier mais moelleux qu'elle vient poser au sol. « Doucement. » Dit-elle quand il amorce ça descendre et manque de s'affaler dans le canapé juste à côté, le chien toujours dans ses bras. Elle l'assiste et tien le chien dans les siens tout en l'aider à mettre le chien sur son lit de fortune. Lorsque c'est chose faite, elle regarde l'homme de ses yeux bleu et sent qu'il est au bout. « Vous devriez vous installer et vous reposer un peu, je m'occupe de lui, je vous le promets. » Elle désigne le canapé dans son dos. Elle n’attend même pas sa réponse qu'elle sort déjà le téléphone de la poche arrière de son jeans et composé le numéro du vétérinaire du refuge. Elle sait que pour une urgence, il sera là en moins de deux. Elle garde malgré tout une attention sur l'homme. « Je vais avoir besoin de détails, savoir comment il était ces dernières heures ce qu'il a pu manger. Depuis combien de temps vous avez remarqué des changements chez lui. » Il semble avoir des soucis de concentration et elle espère sincèrement qu'il arrivera à répondre à toutes ses questions. Parce que va être cruciale pour le vétérinaire et donc pour le chien.