Quand il ferme les yeux, il le revoit
l'impact.
La lumière des phares et le crissement du bitume et l'impact. Le verre brisé. Le corps étendu. Le silence. La fuite. Le silence. Les visages aimés blêmes et ses mains tremblantes sur le volant.
L'impact,
l'impact,
l'impact.
C'est même pas pour ça qu'il est là, évidement qu'il n'en a parlé à personne. Ni père, ni mère -même si maman est tellement défoncée qu'elle oubliera sûrement, il n'a pas pris le risque. Il a tué quelqu'un, ou peut être pas, il sait juste qu'il a vu le sang et le corps et qu'il a fui,
c r i m i n e l.
et les autres n'ont rien dit, peut être aux autorités, pas à lui. Parfois entre deux impacts il entend la police toquer chez lui, vie en sursis.
C'est son père qui a eu l'idée de lui faire voir un psy. Gosse troublé depuis tout p'tit, il paraîtrait que ça viendrait de la mère selon lui, elle a jamais été très nette, je sais toujours pas pourquoi elle a la garde. Sandro lui a juste répondu que c'était sûrement parce que elle, elle l'aimait et que lui n'avait jamais voulu le recueillir -et ça fait mal, parce que c'est vrai. Mais il l'a quand même traîné là, contre son gré, dans une salle aseptisée qui sent le faux et les cachets qui font sourire. Sûrement qu'au fond, son père voulait que Sandro passe ses nerfs sur un autre adulte que lui.
Et c'est le crash, d'un autre type, quand il croise les yeux autrefois allumés comme des incendies, maintenant éteints. Ils sont tous éteints, tous les quatre, à leur manière, maintenant y'a plus rien. Le pire c'est que Sandro a l'impression d'avoir essayé, de leur avoir couru après, sans succès. Alors que c'est lui, le coupable, le conducteur, le grand méchant. Et il ricane face à sa remarque, souffle du nez. Venus qui n'a rien perdu de sa superbe même si il lui trouve des couleurs un peu ternes. Lui au contraire, s'est paré de plus de bijoux pour faire semblant, c'est ce qu'il sait faire le mieux, visiblement. « C'est plutôt aux flics que tu serais, nan ? »
Et il se laisse tomber sur une chaise en plastique trop dur. Pas trop près, pas trop loin. En face. Il la regarde fixement, ils sont seuls, ils sont deux. Ça ressemble à une scène cliché d'un film qu'il repasserait en boucle dans ses pensées. « Pourquoi t'es là, alors ? » Si c'est pas pour parler de ça. De nous et de ce qui s'est passé. L'inquiétude dissimulée mais trahie au détour de la question posée.