goodnight moon (richie)

N’importe quelle mère aurait probablement laissé écouler quelques cris dans le vide pour s’assurer qu’il ne s’agissait pas uniquement d’une crise de larmes passagères mais pas Alabama. Les premiers vagissements de Jolene suffisent à mettre tous ses sens en alerte et à la faire bondir hors du lit pour se précipiter à son chevet avant que ses pleurs n’éveillent son père. Elle tente de la rassurer du mieux qu’elle peut mais elle ne parvient pas à trouver les mots juste pour apaiser les peurs de la môme qui a fait un mauvais rêve. Chacune de ses paroles réconfortantes n'obtiennent qu'une seule et unique réponse : Non. Papa. Deux mots qui tailladent son cœur de mère. Elle pourrait insister encore un peu mais connaît suffisamment bien Jolie pour savoir que rien ne pourra la consoler tant qu’elle n’aura pas trouvé les bras consolateurs de son père, qu’importe qu’elle passe la nuit à la couvrir de baisers et autres comptines réconfortantes. Elle n’a qu’à tendre les bras en direction de la môme en lui promettant de l’amener à Richie pour que ses sanglots cessent presque instantanément. Pour l'une des rares nuits de la semaine, son mari partage le lit conjugal et Alabama se remercie silencieusement de ne pas l'avoir répudié au canapé, évitant ainsi des justesse les questions de Jolene qui lui demanderait probablement pourquoi papa est puni.


La petite tête brune dans les bras, Alabama s’installe en tailleur de son côté du lit et tend la main vers son mari pour lui caresser l’épaule. Elle est parfaitement consciente qu’il n’est pas bon de le surprendre pendant qu’il sommeille. Constamment sur le qui-vive, ses réflexes de défense ne dorment jamais vraiment et elle s’en voudrait de voir leur fille traumatisée par une réaction un peu trop brutale de sa part. Richie ? Lorsque son corps rendu amorphe par les somnifères qu’il s’enfile comme des bonbons finit par remuer faiblement, Alabama adresse un hochement de tête entendu à Jolene qui n’attendait que son accord pour se ruer sur son père et l’envahir de tout son amour. Devine qui a fait un vilain cauchemar. La jeune femme n’a jamais été des plus habiles pour masquer ses émotions, ça doit être inscrit partout sur son visage qu’elle est profondément contrariée par le fait que leur petit trésor ait réclamé la présence de son géniteur là où elle lui offrait la sienne mais elle décide de ne rien en dire. Trois heures du matin, ce n'est décidément  pas une heure raisonnable pour lui prendre la tête avec ses insécurités nocturnes. Elle les observe un instant, un sourire attendri malgré elle greffé aux lèvres avant d’interrompre momentanément leur séance-câlins de sa voix. Elle a demandé après toi. Qu’elle précise pour lui signifier qu’elle ne le réveille pas par pur plaisir, sachant pertinemment bien qu’il doit se lever tôt le lendemain. Puis un peu aussi parce qu’elle se dit que ça lui fera sûrement du bien d’entendre qu’elle a cédé aux revendications de leur fille malgré ses réticences habituelles.

you don't understand.
and i can't explain.

La main d'Alabama sur son épaule suffit à l'arracher à ses cauchemars les plus sombres et aux sortilèges que lui ont lancé ses désillusions. Son coeur se crispe dans sa cage thoracique alors que son visage se redresse légèrement. Richie n'a pas le temps de percevoir le visage de son épouse dans la lueur de la table de chevet que Jolie se faufile déjà dans ses bras. Le doux parfum de sa fille l'aide à ne pas sombrer dans l'énervement et les névroses que même les somnifères ne parviendront jamais à anesthésier. Ses bras se referment sur le minuscule corps de la petite alors que la voix de sa mère l'empêche de sombrer à nouveau.

Jolie est si fatiguée dans sa détresse enfantine qu'il peut sentir sa joue contre son torse et voir ses paupières se fermer. Ses doigts dans ses cheveux fins réveillent cette bienveillance qu'il avait oublié ces dernières semaines. En serrant contre lui ce petit être, Richie réalise finalement ce pour quoi il se lève encore chaque matin. Son enfant fait de lui un homme, un être si fort qu'il pourrait dépasser les pires tempêtes et batailles. En tenant contre lui cette création d'Alabama et lui, il fait aussi le constat terrible qu'elle est l'unique chose qu'ils n'ont pas raté mais qu'ils pourraient souiller de leurs différents. Lorsque son regard noir se redresse sur le visage de sa femme, il remarque immédiatement cette contrariété qui n'a pas lieux d'être. Ses sourcils se froncent. Ici, il n'a pas le droit d'hausser le ton, pas le droit de donner à sa colère une véritable identité : Jolie les enchaîne chacun d'un côté du champs de bataille. Tous deux détiennent des armes qu'ils ne peuvent utiliser. Pour se réconforter, Richie caresse du bout des doigts le dos de Jolie.

Allez, dis-le. Sa voix est basse, un murmure qui n'a rien d'agressif et qui pourtant veut tout dire. Il ouvre des plaies sans prendre la peine de désinfecter ses instruments, creuse au plus profond d'eux en trois mots. Il sent déjà le cœur d'Alabama battre brutalement et lui en vouloir. Un centimètre à gauche et c'est le centre de sa rancœur qu'il atteindre. Ça te soulagera peut-être. Il faut être aveugle pour ne pas voir qu'Alabama ne veut rien lui donner de sa fille, qu'elle s'agrippera à l'amour de Jolie pour empêcher Richie d'y avoir droit.
Mais son regard lui dit :
C'est aussi ma fille, je suis son père.
Tu ne peux rien contre ça.