nostalgie // juliette

pseudo, prénom / togram. âge / 24 ans déjà ptn. localisation / paris. où avez vous trouver le forum / bazzou. présence / 5/7. avis et plus / vous êtes ce que je cherchais, parfait ! personnage / inventé.

Code:

<pris>ELLA PURNELL</pris> ⟡ <pse>@"juliette lageste"</pse>

---

Juliette, elle a cette sensation un peu trop humaine de se noyer dans un tout trop grand pour elle et ses petites épaules. Elle a ce sentiment, profond, de ne jamais vraiment avoir appartenu à quoi que ce soit et l'intime conviction de ne pas avoir vécu. Elle se dit peut-être ça parce qu'elle a dépassé la vingtaine et qu'elle a déjà dépassé l'âge auquel ses parents l'ont conçue comme s'ils lui servaient de modèle inconsciemment. Parce que si ça l'était, conscient, elle ne le comprendrait pas. Son père est une ombre, sa mère une absence : y'a rien à prendre chez eux à part des exemples à ne pas suivre.

Juliette a poussé son premier cri en France, sur la côte atlantique là où l'air marin vient boucler les cheveux et où le sel colle à la peau quand le soleil ne la brunit pas. Mais c'est tout ce qu'elle y a fait aux Sables d'Olonne : voir le jour et puis partir. L'appartement de ses parents (trop jeunes pour vraiment avoir des enfants) était trop petit pour trois et trop cher pour une famille comme la leur. Alors fatalement ils l'ont quitté, se sont réfugiés chez les parents de son père en Bretagne dans un minuscule village de deux cent habitants. Un trou paumé comme on en fait plus. C'est peut-être à ce moment là que sa mère, Pauline, s'est rendue compte que cette vie n'était pas faites pour elle. Qu'elle n'avait jamais voulu tout ça et que l'homme qu'elle avait aimé, elle ne le connaissait pas assez finalement. Elle a essayé pourtant. Pendant des années elle est restée coincée dans cette moitié de maison à cinq, un travail de secrétaire qui ne lui plaisait pas, un homme avec lequel elle ne s'était jamais mariée, des beaux-parents envahissants. Et une petite fille, au milieu de tout ça, sans jamais qu'elle ne se sente l'étoffe d'une mère. Quelques semaines après les dix ans de Juliette, elle est partie.

Comme ça.

Au milieu de la nuit.

Elle a tout laissé derrière elle, ses affaires, ses amis, sa famille.

Et puis elle n'est jamais revenue.

Parce que lorsque Juliette avait fêté ses dix ans, ça lui avait donné une violente claque : elle venait de passer dix ans de sa vie dans ce trou à rats, à vivre sa propre vie comme un personnage secondaire. Pauline les a tous laissé, mais avant tout elle l'a abandonné à Juliette. Et la gamine ne s'en est jamais remise, parce qu'elle était suffisamment grande pour longtemps y réfléchir sans réussir à comprendre. Son père non plus n'a rien saisi, frappé lui aussi par cette absence soudaine et ce départ définitif. Déjà peu présent parce que pêcheur, il est devenu l'ombre de lui-même à ne respirer que pour disparaître en mer des semaines ou des mois. Là où l'absence de Pauline était normale. Moins présente.

Juliette a donc en partie été élevée par ses grand-parents, qui eux aussi ont fini par la laisser : mais dans leur sommeil. D'abord papi, parce qu'il buvait trop. Puis mamie quelques semaines après parce qu'elle l'aimait trop. Ils se sont éteints quand elle avait treize ans et depuis Juliette n'a cessé de chercher de la lumière ailleurs. Livrée à elle-même pendant les longues absences de son père, les voisins avaient la responsabilité de parfois passer une tête pour s'assurer qu'elle allait bien. Sans plus. C'était une drôle de gamine Juliette. Déjà trop mature pour son âge, marquée par le départ abrupt de sa mère, puis le décès douloureux de ses grand-parents, l'absence de son père lui semblant normale. Elle avait grandi d'un coup, indépendante et discrète, à se contenter de peu sous le regard curieux des habitants de son village où les enfants étaient si rares que l'école se faisait à domicile. Chacun chez soi. La compagnie, Juliette la trouvait naïvement dans les livres de sa grand-mère accumulés au cours de toute une vie qu'elle avalait les uns après les autres. Quand elle a passé son bac, elle est restée là sans trop savoir quoi faire.

C'était son quotidien ça.

Lire, étudier dans un calme presque parfait. Faire ses courses, son ménage, manger, dormir, attendre le retour de son père sans hâte. Et puis quand il revenait ne pas savoir quoi lui dire, continuer à vivre en silence. Il lui a fallu deux ans pour se décider à sortir de ce village paumé : entre temps, elle était devenue vendeuse dans une boulangerie sans trop toucher à l'argent qu'elle gagnait.

Elle est partie sur un coup de tête.

Comme un trop plein de rien.

Juliette a rassemblé ses affaires dans une unique valise, puis elle est juste partie. Comme sa mère. Sans un mot, sans rien, la sensation que son absence ne serait de toute manière pas connue de son père avant des mois.

Direction Paris.

Là bas, tout s'est enchaîné très (trop) vite. Par chance, elle n'est restée qu'une poignée de jours en auberge de jeunesse : elle a trouvé une chambre de bonne rapidement. C'était encore plus petit qu'elle ne l'avait imaginé : neuf mètres carrés, des toilettes à partager avec son voisinage, une fenêtre de la taille de son visage. Mais Juliette s'en foutait. Elle était à Paris, putain. Et si son village avait été le noir, alors la capitale c'était le blanc qui aveugle tant il brille. La même semaine, un restaurant a bien voulu d'elle comme plongeuse, puis c'était de nouveau parti : travailler, manger, dormir. Mais Paris c'était la vie. La vraie. Pour la première fois elle se faisait des amis (à peu près), elle sortait, dansait, buvait, riait à gorge déployée dans un brouhaha assourdissant là où avant il n'y avait eu que le silence et l'attente d'une présence qui ne venait jamais. 

Elle se sentait vivre.

Enfin presque.

C'était pas encore tout à fait ça.

C'était pas elle en fait. Cette vie. Ces histoires. Bien sûr, c'était plaisant de se laisser vivre, de suivre le mouvement des autres mais c'était aussi un problème de ne faire que suivre et de ne jamais tracer sa propre route de peur de... de peur de quoi ? D'être seule sans doute. Comme toujours. Et au milieu du métro bondé, des rames pleines à craquer, Juliette ne s'était jamais sentie aussi seule.

Elle vivait à un rythme qui ne lui convenait pas, elle vivait à mille à l'heure, elle fonçait droit dans le mur parce que les autres aussi. Alcool, sexe, drogue, soirées extrêmes et journées passées à en rire avec ses collègues devenus famille. Et qu'elle avait que ces autres là dans sa vie, qu'eux à qui s'accrocher. Son père n'avait jamais essayé de la contacter, il avait fini par s'effacer avec une facilité qui lui avait crevé le coeur. C'était presque comme si toute sa vie, il l'avait préparée à ce moment là : au jour où il ne reviendrait pas, à l'absence définitive. Ses mois en mer comme un avant goût de ce que deviendrait leurs vies respectives. Séparées par absolument tout.

Il y a environ cinq mois, Juliette a dit stop. Elle a refait sa valise, elle a claqué la porte, elle a sauté dans la première voiture pas trop inquiétante après avoir longuement levé le pouce sur le bord de la route. Direction Beauvais, Amiens, Saint-Quentin, Arras, Lille, Dunkerque puis enfin Calais. Il lui faut presque un mois de mésaventures pour arriver à destination, avec son porte-feuille dangereusement vide et sa valise qui s'est transformée en sac à dos au fur et à mesure. Enfin, elle a pris le bus pour Londres. La fameuse. Celle qui l'avait toujours faites rêver dans les romans de sa grand-mère : pourtant elle parle pas un mot d'anglais, elle a jamais fait d'études, elle sait servir, vendre, nettoyer. Lire, mais en français. Juliette a juste l'impression que sa vie se fera là-bas. Elle a vingt-trois ans et passe son temps à se chercher, à courir après qui elle peut bien être. Peut-être qu'elle trouverait des réponses dans cette capitale là. Qui sait ?

C'est un échec cuisant.

Elle est vite fauchée. On lui vole son téléphone. Elle dort deux soirs dans la rue avant de trouver un moyen de quitter cet endroit où elle passe à peine deux semaines : c'est trop bruyant, encore plus que Paris. Elle s'y perd et s'y noie. C'était peut-être un trop grand pas qu'elle venait de prendre. Juliette avait sauté pieds joins dans l'inconnu et l'inconnu le lui rendait bien.

Puis elle est tombée sur cette vieille dame.

Elle parlait un petit peu français, juste assez pour faire sourire Juliette entre deux sanglots désespérés. Tout ce qu'elle avait compris, c'était Hill Head (un genre de ville ?) et un toit, un repas, un lit. La française avait sauté sur l'occasion bien sûr, sans se douter que l'unique nuit se transformerait en semaine. Puis en mois, jusqu'à ce qu'elle ne finisse par avoir les moyens (enfin !) de se payer un minuscule studio. De lui dire au revoir à la vieille dame. Et puis de continuer sa vie à elle qu'elle s'était construite toute seule dans ce genre de ville en bord de mer. Ça lui rappelait la Bretagne, la France, mais aussi la ville : c'était pas totalement un trou à rat. Puis elle avait un travail, quelques connaissances.

Mais elle était encore seule, au fond.

Avec la peur béante de toujours l'être, mais aussi l'espoir idiot qu'elle était sur la bonne voie.